M. le maire de Rotterdam
est marocainAhmed Aboutaleb, le 5 janvier 2009, lors de sa prise de fonctions à l'hôtel de ville de Rotterdam. Sa nomination sur fond de haines communautaristes a déclenché la polémique dans la cité portuaire. Photo grâce au FigaroLE FIGARO:
Fils d'un imam, Ahmed Aboutaleb, né au Maroc, vient d'être nommé à Rotterdam, premier maire musulman du premier port d'Europe, l'une des villes les plus cosmopolites du monde. «Plus néerlandais que certains Néerlandais», selon ses propres termes, ce travailliste n'hésite pasà fustiger «ceux qui n'acceptent pas les valeurs des Pays-Bas».Dans la salle du conseil municipal trône le portrait de la reine Béatrix des Pays-Bas. Autour, sur les boiseries patinées, veillent ses ancêtres Juliana, Wilhelmine et Emma.En face, le maire s'appelle Ahmed.
À Rotterdam, certains ont eu «un choc» à l'annoncede la nomination * de ce travailliste, né au Maroc. Ahmed Aboutaleb, lui, demeure impassible : il «comprend les craintes» et prône «la confiance». Geert Wilders, ce député provocateur de droite, auteur d'un film contesté sur l'islam, aurait préféré qu'il soit «maire de Rabat» : «Nommer un Marocain maire de la deuxième ville du pays est aussi fou que de nommer un Néerlandais maire de La Mecque !» Pourtant, du Maroc, qu'il a quitté à 15 ans, Aboutaleb ne conserve pas grand-chose. S'il garde son passeport vert, c'est parce que, en vertu de loi marocaine, «on ne peut pas le rendre.» «Après 32 ans aux Pays-Bas, je suis plus néerlandais que certains Néerlandais, s'exclame-t-il. Tout ce que je pense et fais est néerlandais.»
Fils d'un imam, né en 1961 à Beni Sidel, une bourgade nichée dans les montagnes du Rif, Aboutaleb a laissé derrière lui «une petite maison sans électricité ni eau courante.» Il est loin son rêve d'enfant de devenir poète. Ingénieur de formation, il se retrouve journaliste, puis porte-parole ministériel. Sans s'être présenté devant les électeurs, ce membre du Parti travailliste (PvdA) devient, en janvier 2004, échevin (adjoint au maire) d'Amsterdam, en charge de l'enseignement et de la jeunesse. Quelques mois avant l'assassinat du cinéaste controversé Theo Van Gogh, poignardé et égorgé par un islamiste en pleine rue. Dans un discours devenu célèbre, à la mosquée Alkabir, au lendemain du drame, Ahmed Aboutaleb lance à ses coreligionnaires : «Arrêtez de vous prendre pour des victimes. Si vous ne voulez pas vous intégrer, partez !» Ses prises de position - il s'oppose au port de la burka, n'hésite pas à sanctionner les fraudeurs aux allocations sociales et trouve «drôles» plusieurs des caricatures danoises de Mahomet - lui vaudront des menaces de mort. «Ce collabo défend les intérêts des Blancs !», s'émeuvent des immigrés. Depuis, il vit sous protection rapprochée,tout comme Geert Wilders.
>>> Stéphane Kovacs | Lundi 18 Mai 2009