L'inquiétante «salafisation» des esprits en ÉgypteLE FIGARO:
Le mois de ramadan met en évidence le développement de pratiques religieuses radicales dans un pays autrefois connu pour sa modération.La rumeur s'est répandue comme une traînée de poudre, agitant les rédactions des journaux, alimentant les conversations dans les cafés et les familles : la police d'Assouan, au sud de l'Égypte, arrêterait les personnes qui ne respectent pas le jeûne du ramadan, en buvant, mangeant ou fumant dans la rue ! La «nouvelle» a provoqué une stupéfaction horrifiée chez les musulmans modérés.
Les défenseurs des droits de l'homme se sont emparés de l'affaire, dénonçant une dérive sans précédent dans le pays. «Le pouvoir veut donner des gages aux islamistes en se montrant plus religieux qu'eux», a accusé l'un d'eux. «Le jeûne n'est pas obligatoire», a rappelé un autre - ce qui n'est plus évident en Égypte, où la pression sociale et religieuse est telle qu'il est difficile de s'y soustraire, au moins en public.
L'ennui, c'est qu'en dépit de l'étrange mutisme du ministère de l'Intérieur sur le sujet il ne s'agit apparemment que d'une rumeur, inspirée, peut-être, par l'initiative individuelle d'un officier, ou par une campagne anticriminalité qui aurait été assimilée par les habitants d'Assouan au ramadan. Mais le fait qu'elle ait été jugée crédible est révélateur de l'évolution des mentalités dans une Égypte où la religion est devenue omniprésente, y compris sous ses formes les plus radicales, comme le wahhabisme ou le salafisme.
Des pratiques «importées» >>> Tangi Salaün, au Caire | Vendredi 11 Septembre 2009
Égypte : La «salafisation» de la sociétéLE TEMPS:
Le ramadan met en lumière le développement des pratiques religieuses radicales. Les autorités s’en inquiètent et ont placé les mouvements radicaux sous haute surveillanceLa nuit est tombée sur Le Caire. Dans la pénombre, la foule se presse pour les prières de tarawih, des prières surnuméraires, non obligatoires, devenues ces dernières années un temps fort du mois de ramadan en Egypte. Ici et là, quelques croyants sont vêtus à l’occidentale. Mais la grande majorité porte une longue barbe, une djellaba courte pour les uns, une tunique passée par-dessus un pantalon pour les autres. Ou, du côté des femmes, le niqab, le voile intégral.
Loin de l’ambiance de fête créée par les fanous, les traditionnelles lanternes du ramadan, la mosquée elle-même respire l’austérité. Et pour cause: Al-Rayan est l’une des principales mosquées salafistes du Caire. Les tenants de cet islam sunnite rigoriste, inspiré de la vie des compagnons du Prophète, sont de plus en plus nombreux en Egypte et, pour eux, le ramadan est propice au prosélytisme.
«Quand je suis venue prier ici pour la première fois, on m’a donné des conseils vestimentaires pour être une bonne musulmane: couvrir entièrement mon corps, mes mains et mon visage, porter des chaussettes pendant la prière pour ne pas montrer mon talon», témoigne une jeune mère de famille. Les prêches sont l’occasion pour les imams salafistes de marteler leurs principes ultraconservateurs, comme le rejet de la télévision, de la musique ou de toute autre distraction moderne.
Le «niqab» banaliséDe plus en plus suivies, ces règles bouleversent la pratique religieuse des Egyptiens. Si l’Egypte est le berceau de l’islam politique, avec la création des Frères musulmans en 1928, et du djihadisme – l’Egyptien Ayman al-Zawahiri est le théoricien d’Al-Qaida et le bras droit d’Oussama ben Laden –, elle a longtemps été réputée pour sa tolérance et sa modération. Il y a quelques années encore, les Egyptiens regardaient avec étonnement les salafistes occidentaux, à l’apparence si reconnaissable, de plus en plus nombreux à venir étudier l’arabe en terre d’islam en Egypte. Aujourd’hui, les codes vestimentaires salafistes ou wahhabites, «importés» des pays du Golfe et du Pakistan, sont pourtant en passe de devenir la norme dans certains quartiers.
>>> Tangi Salaün | Mardi 15 Septembre 2009