LE MONDE : ENQUÊTE | Jusqu’à la veille de l’invasion russe, le 24 février, les capitales européennes sont restées très méfiantes vis-à-vis des alertes lancées par Washington. Paris et Berlin, en particulier, ont voulu croire aux vertus de la politique de la main tendue. Récit d’une guerre impensable.
La scène se déroule dans le salon feutré d’une ambassade européenne, au cœur de la capitale ukrainienne, trois semaines avant le début de l’offensive russe. Dehors, les rues de Kiev sont tranquilles, les cafés ouverts et les magasins achalandés. Dans ce calme apparent, les habitants vivent au rythme des déclarations contradictoires. Alors que quelque 130 000 soldats russes sont massés aux frontières de l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky répète qu’il n’y a pas lieu de paniquer, cependant que les Etats-Unis s’alarment d’une invasion qu’ils jugent « imminente ». En ce 2 février, le diplomate européen a réuni une poignée de journalistes pour un « off », selon l’expression consacrée. Il souhaite faire le point sur la crise entre Kiev et Moscou, qui dénonce l’« hystérie » occidentale et dément toute intention belliqueuse.
Dans l’ambassade, un conseiller diplomatique évoque son coiffeur ukrainien, qui lui a coupé les cheveux la veille et balayait d’une boutade toute perspective de menaces. « Les gens ne sont pas inquiets », en conclut-il. Le diplomate, lui, avoue sa perplexité. « On entend bien qu’il y a des renforcements militaires, dit-il, mais il n’y a pas de nervosité particulière. On est surpris par le discours alarmiste des Anglo-Saxons. Nous sommes plutôt sur la ligne ukrainienne. » » | Par Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante), Allan Kaval, Philippe Ricard, Faustine Vincent, Elise Vincent et Thomas Wieder (Berlin, correspondant) | vendredi 18 mars 2022
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