LE FIGARO : RÉCIT - En quelques jours, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont quitté leur pays, dans lequel ils ne se voient plus d’avenir.
Un matin de la semaine dernière, Anton Dolin, critique de cinéma connu en Russie, a trouvé, peinte sur la porte de son appartement moscovite, la lettre Z… Celle-là même qui figure sur les chars de l’«opération militaire spéciale» (1) en Ukraine. Le message de menace était clair. Dimanche, le rédacteur en chef de la revue L’Art du cinéma a quitté son pays. Il se trouve depuis en Lettonie où se tient Artdocfest, un festival international consacré aux documentaires. «Nous verrons ce qu’il se passera ensuite, écrit-il sur son compte Telegram. Je ne pouvais tout simplement plus respirer l’air de Moscou (…) alors que des gens étaient tués et mouraient en Ukraine», raconte-t-il.
Comme lui, ils sont des dizaines de milliers, depuis la date fatidique du 24 février, à avoir pris le chemin de l’exode: artistes, journalistes, cinéastes, jeunes entrepreneurs, cadres dans le domaine de la tech, et plus généralement des Russes issus de la classe moyenne urbaine dotés d’un bon niveau d’éducation. À la sidération des premiers jours, a succédé chez eux l’abattement, la crainte, le dégoût face à un climat répressif de plus en plus lourd - et puis le déclic qui soudain pousse à faire ses valises et à partir, dans la précipitation et sans point de chute assuré. » | Par Alain Barluet | mercredi 9 mars 2022