LE FIGARO: Devant 40.000 fidèles réunis par l'UOIF au Bourget, l'intellectuel n'a pas ménagé ses critiques contre le gouvernement et a appelé les musulmans «à ne pas répondre aux attaques» mais à cultiver leur identité «française et musulmane».
Il demande à ne pas être applaudi. Orateur brillant, Tariq Ramadan a tenu en haleine et sans notes, samedi soir au Bourget, plusieurs dizaines de milliers de musulmans venus assister au 29e congrès de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Il en était l'invité vedette depuis que le gouvernement avait interdit la venue de six prédicateurs pour leurs propos explicitement antisémites. Il en était aussi l'invité controversé, car le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a publiquement regretté, vendredi, qu'il soit maintenu à l'affiche, lui reprochant d'avoir défendu un «moratoire sur la lapidation des femmes».
Les encourageant à ne pas céder à la «réaction», Tariq Ramadan a plutôt appelé les musulmans qui l'écoutaient - hommes d'un côté, femmes, toutes voilées, de l'autre et des milliers de fidèles debout au fond - à une forme subtile de «résistance». «Je vous remercie d'avoir tenu bon, a-t-il lancé, malgré les pressions et les accusations.» Car «c'est aussi l'honneur de la France d'accueillir cette rencontre». Décochant cette première critique: «On ne peut pas se prévaloir de Voltaire pendant quatre ans et l'oublier à deux semaines de l'élection», invitant à «ne pas confondre la France avec ceux qui la représentent».
L'intellectuel suisse, petit-fils de Hassan al-Banna [en anglais], fondateur en 1928 des Frères musulmans en Égypte, a alors accusé le gouvernement de faire de la «surenchère» et de la «diversion» vis-à-vis de la «vraie crise économique», en misant, selon un «stratagème», sur les questions «de sécurité» qui sont pourtant «trop sérieuses pour être mises en scène». Posant en particulier la question du bilan pour les banlieues: «Qu'est ce qui a été fait depuis les émeutes de la banlieue en 2005 pour répondre au mal-être, pas de travail, pas d'habitat?» Ou critiquant, sur le plan européen cette fois, le traitement «comme des animaux» des «charters de clandestins». » | Par Jean-Marie Guénois | dimanche 08 avril 2012