LE FIGARO: PORTRAIT - Après trente ans de règne sans partage, le président égyptien est victime du verrouillage d'un système de pouvoir qu'il avait lui-même mis en place. La révolte du peuple a eu raison de cet autocrate jusque-là intouchable.
Hosni Moubarak avait promis à son peuple «une société égalitaire, non une société de privilège». Alors qu'il s'efface de la scène après 30 ans de règne, jamais l'inégalité et les privilèges n'ont été aussi flagrants. La corruption sévit à tous les niveaux, du bakchich obligatoire pour toute démarche administrative au racket organisé par le pouvoir. Le régime règne par la surveillance, la peur et l'humiliation. La torture est banalisée, comme en témoignent des vidéos sur Internet montrant de simples quidams martyrisés dans les commissariats pour avoir simplement rencontré une patrouille de police au mauvais moment. Le système politique est sclérosé, réservant la candidature à l'élection présidentielle au seul candidat du parti au pouvoir.
On a peine à se souvenir que l'intronisation de Hosni Moubarak avait suscité l'espoir des Égyptiens, même si elle était la conséquence d'une catastrophe: l'assassinat d'Anouar el-Sadate, le 6 octobre 1981, par un commando islamiste. La rupture de style fut complète. Ses deux prédécesseurs irradiaient le charme. Les Égyptiens surnommèrent Moubarak «la vache qui rit» à cause de son sourire figé et de sa ressemblance supposée avec l'emblème du fromage fondu, populaire au Proche-Orient. Mais, au fond, le peuple et la classe dirigeante se sentirent rassurés. Après le flamboyant Nasser et l'imprévisible Sadate, qui avait lancé l'Égypte dans la guerre avant de signer la paix à Jérusalem, les Égyptiens étaient fatigués des héros. «Moubarak, c'est “Monsieur Moyen”. L'Égypte avait besoin d'une baisse de régime. Il est arrivé au bon moment», écrivit l'intellectuel Saad el-Dine Ibrahim. >>> Par Pierre Prier | Lundi 14 Février 2011