LE MONDE: Frontalement, les Suisses ont répondu, dimanche 29 novembre, à des questions qui taraudent, à des degrés divers, l'ensemble des pays européens. L'islam est-il compatible avec les sociétés européennes ? Peut-il devenir un élément des identités nationales qui ont forgé le continent ?
En approuvant l'interdiction de construire des minarets, les Suisses ont répondu "non" et il n'est pas certain que d'autres, à leur place, auraient voté différemment. Car même si c'est "l'islamisme" qu'ils prétendent combattre, c'est en réalité la présence même de l'islam sur des terres chrétiennes que les groupes politiques les plus actifs mettent en question.
Le parti flamand d'extrême droite, en Belgique, et le Parti pour la liberté, aux Pays-Bas, ne s'y sont pas trompés : dès dimanche, leurs responsables ont annoncé leur intention de déposer des propositions visant à interdire la construction de minarets. Il s'agit, pour le député flamand Filip Dewinter, de donner aux musulmans un "signal qu'ils doivent s'adapter à notre manière de vivre et non l'inverse".
En France, la vice-présidente du Front national, Marine Le Pen, ne dit pas autre chose. Se félicitant du vote suisse, elle a demandé aux "élites de cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens, qui rejettent les signes ostentatoires des groupes politico-religieux musulmans, souvent à la limite de la provocation".
"Signes ostentatoires" : le mot est lâché. Car si l'image de l'islam, dégradée par la violence de l'actualité internationale depuis une décennie, explique en partie les soupçons d'extrémisme accolés aux musulmans à travers le monde, elle ne suffit pas à justifier le rejet de l'islam en Europe. C'est indéniablement la visibilité des musulmans, qui, dans les sociétés européennes, pose problème. >>> Stéphanie Le Bars | Lundi 30 Novembre 2009