LE FIGARO: Longtemps permissif, le gouvernement cherche la bonne tactique afin d'endiguer l'engouement pour le voile.
Une déclaration de guerre. Pour une partie de la société égyptienne, c'est ainsi qu'a été perçue la décision du cheikh d'al-Azhar, Mohammed Tantaoui, de contraindre une fillette de 12 ans à retirer son niqab lors d'une récente inspection d'une école. Depuis, la polémique fait rage entre opposants et partisans du voile intégral. Peu répandu il y a une dizaine d'années, le niqab s'est banalisé sous l'influence, notamment, des travailleurs égyptiens rentrant du Golfe imprégnés des valeurs wahhabites saoudiennes, mais aussi du boom des chaînes satellitaires religieuses, en particulier salafistes. Selon une étude officielle publiée l'été dernier, près de deux Égyptiennes sur dix le porteraient désormais, surtout dans les campagnes.
L'État égyptien, qui a d'abord laissé faire, semble décidé à s'attaquer au signe extérieur le plus visible d'une certaine radicalisation de la société. Après plusieurs escarmouches dans les cités universitaires ou les hôpitaux publics, il a donc envoyé au feu le cheikh d'al-Azhar, dont l'institution, la plus prestigieuse du monde sunnite, se veut la vitrine d'un islam modéré, mais dont le crédit personnel pâtit d'être nommé par le président de la République. «Le port du niqab en présence de femmes est un genre de rigorisme rejeté par la charia islamique», a affirmé le grand imam, précisant que son interdiction se limiterait aux établissements d'al-Azhar «réservés aux filles et où l'enseignement est assuré par des femmes». Il reste donc autorisé dans les écoles mixtes.
En avançant l'argument religieux, l'État sait qu'il s'aventure en terrain dangereux. En 2007, le Tribunal administratif suprême a en effet désavoué l'université américaine du Caire, qui avait fermé ses portes aux monaqqabates ( porteuses du voile intégral). Dans un verdict alambiqué, la justice a estimé que le niqab n'était certes pas une obligation religieuse, mais que son port étant permis, il n'était pas possible de l'interdire… Ce qui n'a pas dissuadé le ministre de l'Enseignement supérieur d'emboîter le pas du cheikh d'al-Azhar en bannissant à son tour par décret le niqab des cités universitaires. Alors que des dizaines de monaqqabates manifestaient contre cette décision, notamment à l'université du Caire, les Frères musulmans ont demandé le retrait du décret et le renvoi du cheikh d'al-Azhar. «Le niqab est une vertu, comment peut-on condamner la vertu ?», a argumenté Hamdi Hassan, porte-parole de la confrérie au Parlement. L'argument hygiéniste >>> Tangi Salaün au Caire | Jeudi 22 Octobre 2009