Pendant très longtemps, nul ne l’a vraiment pris au sérieux. Ses critiques le tenaient au mieux pour un doux rêveur, un gentil idéaliste, au pire pour un dangereux illuminé. Dans les deux cas, on pariait sur son inévitable normalisation au contact des réalités, du nécessaire compromis politique. Or Kaïs Saïed est très sérieux et il ira jusqu’au bout de son projet de refondation de la Tunisie. Si une certitude s’impose à l’heure où sa nouvelle Constitution est soumise au référendum populaire, lundi 25 juillet, c’est bien celle-là : le chef de l’Etat, élu en 2019 à la faveur d’un vote « antisystème » avant d’imposer en juillet 2021 un régime d’exception lui octroyant la plénitude des pouvoirs, entend bien s’imposer comme le bâtisseur d’une nouvelle ère.
Il l’a toujours dit et écrit sans qu’on y prête trop d’attention. « L’humanité est entrée dans une nouvelle étape de son histoire », avait-il prophétisé lors de la campagne présidentielle de 2019. Lui-même se conçoit comme l’opérateur en Tunisie de cette « nouvelle étape », où le peuple souverain redeviendra « acteur » de son destin grâce « à de nouveaux instruments juridiques » le « libérant » des « pensées classiques », au premier rang desquelles figurent « la démocratie représentative » en « faillite » et des partis politiques « en train de mourir ». » | Par Frédéric Bobin (Tunis, envoyé spécial) et Lilia Blaise (Tunis, correspondance) | samedi 23 juillet 2022
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