LE MONDE : Aucun média suisse n’a participé à l’enquête internationale sur Credit Suisse, par peur des répercussions judiciaires. La loi bancaire de 2015 menace les journalistes de cinq ans de prison.
La protection du secret bancaire peut-elle justifier des restrictions à la liberté de la presse dans une démocratie ? Tel est le débat virulent qui s’est emparé de la confédération helvétique après la publication, dimanche 20 février, de l’enquête « Suisse Secrets », qui a révélé la présence de dictateurs et de criminels parmi la clientèle du prestigieux Credit Suisse.
La presse et une partie des responsables politiques se sont rapidement fait l’écho de l’absence de journalistes suisses dans le consortium de 48 médias internationaux qui a révélé le scandale. Une incongruité liée au risque que fait peser l’article 47 de la loi bancaire suisse sur les journalistes qui exploitent des fuites de données bancaires – jusqu’à cinq ans de prison.
Le groupe Tamedia, éditeur des journaux 24 heures, Tribune de Genève et Le Matin, a ainsi expliqué avoir dû renoncer à participer à l’enquête, car « le risque juridique était tout simplement trop grand ». Les dirigeants du Monde, de la Süddeutsche Zeitung, du Guardian et du consortium d’investigation OCCRP (pour Organized Crime and Corruption Reporting Project – « Projet de rapport sur le crime organisé et la corruption », en français) ont quant à eux lancé un appel à la liberté de la presse, pour mettre en garde contre une éventuelle application de cette loi à leurs journalistes. » | Par Jérémie Baruch et Maxime Vaudano | mardi 22 février 2022