CYBERPRESSE.CA: (Pakistan) Au Pakistan, personne ne peut offenser le Prophète sans risquer la prison. Cette loi sur le blasphème divise le pays depuis qu'Asia Bibi, illettrée, a été condamnée à mort parce qu'elle a insulté le Prophète. D'un côté, des militants extrémistes prêts à tout pour qu'elle soit pendue, de l'autre, des politiciens assassinés parce qu'ils ont osé la défendre. Au milieu, un gouvernement paralysé qui ne sait plus comment désamorcer la crise. La Presse a enquêté sur le terrain. Histoire d'une bombe à retardement.
Asia Bibi avait 38 ans lorsque sa vie est devenue un cauchemar.
Le 14 juin 2009, elle travaillait dans le champ avec trois femmes. Asia est chrétienne, les femmes, musulmanes.
Elles se chicanaient parfois, mais elles finissaient toujours par se réconcilier. Elles vivaient à Ittanwalli, village pauvre perdu au milieu des champs. La route de terre est craquelée par le soleil, des ânes tirent des charrettes et des chiens dorment au milieu du chemin, tourmentés par les mouches. À Ittanwalli, le temps est suspendu.
En juin, le thermomètre frôle les 50 degrés. Asia travaillait, écrasée par la chaleur. Les femmes avaient soif, elles ont bu de l'eau. Asia a touché leur verre et bu à son tour. C'est à ce moment précis que tout a basculé. Ce geste inoffensif -une chrétienne qui touche l'eau d'une musulmane- a plongé le Pakistan dans une grave crise politico-religieuse.
Les musulmanes ont accusé Asia Bibi d'avoir souillé leur eau. Les femmes se sont chicanées, le ton a monté, Asia s'est énervée et elle a insulté l'islam et le prophète Mahomet. » | Michèle Ouimet, envoyée spéciale, La Presse | Lundi 30 Mai 2011