Tuesday, February 22, 2011

"La peur a changé de camp"

LE POINT: Le monde arabe est confronté à une révolte sans précédent. Entretien avec le politologue Antoine Basbous.

Le 29 janvier, au Caire, des manifestants défient le régime de Hosni Moubarak. Celui-ci tombera moins de deux semaines plus tard. Photo : Le Point

En Libye, à Bahreïn, au Yémen, mais aussi en Algérie et au Maroc, les mouvements de protestation enflent : après la chute des régimes tunisien et égyptien, l'ensemble du monde arabe fait aujourd'hui face à une vague de contestation qui semble résister jusqu'aux tentatives de répression les plus brutales. Pour le politologue Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, les dictatures usées de la zone ne peuvent avoir raison d'une jeune génération avide de liberté, et qui se jette dans la bataille avec l'aide d'Internet.

Le Point.fr : Comment analysez-vous les événements actuels en Libye ?

Antoine Basbous :
De tous les régimes arabes, celui de Kadhafi est le plus usé. Premièrement, parce que son chef exerce un règne absolu depuis 42 ans. Deuxièmement, parce qu'il est orphelin : ses deux voisins autocrates Ben Ali et Moubarak, qu'il a maladroitement soutenus y compris après leur chute, sont très rapidement tombés. Aujourd'hui, la peur a changé de camp. La nouvelle génération est celle d'une jeunesse décomplexée, qui n'a pas subi la répression de ses parents et dispose d'Internet. Grâce à cet outil, il est devenu impossible de mener comme autrefois une répression illimitée, à huis clos, sans que cela se sache. Le "seuil" de la répression s'est établi à trois cents morts, il est devenu trop bas pour empêcher la chute d'un régime. Aujourd'hui, Kadhafi a coupé le téléphone, chassé les rares journalistes étrangers, brouillé toute une série de chaînes autour d'Al Jazeera qui faisaient des directs en continu. Et, malgré cela, des Libyens partent en Tunisie et en Égypte poster ce qu'ils ont réussi à enregistrer depuis leur téléphone portable. Ces dictateurs avaient appris à réprimer des mouvements islamistes. Ils sont confrontés aujourd'hui à leur jeunesse, et une jeunesse connectée au reste du monde. Ils ne savent pas comment réagir. Continuez à lire et écrire un commentaire >>> Le Point.fr | Lundi 21 Février 2011