Thursday, July 22, 2010

En Indonésie, l'islam a sa police et ses bourreaux

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Les « offenseurs de l'islam », comme cette femme accusée d'être restée seule avec son petit ami dans une maison de Bandah Aceh, en 2006, reçoivent leur châtiment en public. Photo : Le Figaro

LE FIGARO: Dans la région d'Aceh, islamisée depuis le XIIIe siècle, le châtiment de flagellation est appliqué en cas d'atteinte supposée aux règles du Coran.

Drapée de noir, coiffée d'une cagoule frangée d'orange, un loup blanc sur les yeux, une forme à peine humaine se hisse sur l'estrade avec une infinie lenteur. La foule frissonne. Dans la province indonésienne d'Aceh où l'imaginaire vagabonde, les bourreaux de la charia à l'étrange accoutrement ont rejoint le panthéon des croquemitaines, aux côtés de Geunteut et Burong Tujoh, deux génies malfaisants.

Le ciel est bas sur Jantoh. Des nuages lourds et épais écrasent les dômes de la mosquée. Par-delà les montagnes, tout au nord de l'île de Sumatra, ce bourg perdu dans les forêts d'acacias est en effervescence. C'est jour de flagellation publique. Après la grande prière, dans un grésillement épouvantable, un haut-parleur énonce l'identité des trois «offenseurs de l'islam», des joueurs de jundibuntut, une loterie locale où l'on mise moins de 5000 roupies (40 centimes d'euros) sur trois chiffres. Avec une violence et une précision inouïes, le bourreau cingle de sa canne de rotin le dos de ses victimes. À chacun des coups portés, les coupables vêtus de blanc grimacent sous la douleur.

Aceh, quatre millions d'habitants, dont 98% de musulmans, bénéficie depuis 2001 d'une autonomie spéciale et depuis 2003 de tribunaux chariatiques où 408 condamnations ont été prononcées. À la tête de cette administration judiciaire, Armia Ibrahim vante les mérites de la flagellation qui «n'est faite que pour humilier et non pour faire souffrir». Il ne comprend pas les réserves des organisations des droits de l'homme. «En dix minutes, l'affaire est réglée. Vous n'êtes pas privé de votre liberté. C'est une justice humaniste», explique-t-il.

Première région islamisée d'Indonésie au XIIIe siècle et peut-être même de toute l'Asie du Sud-Est, Aceh a toujours revendiqué un particularisme religieux. Mais depuis que certains préceptes du Coran font loi, un millier de «policiers de la charia» traquent la consommation d'alcool, les baisers volés, les jeux d'argent et les tenues occidentales. >>> Par Florence Compain | Jeudi 22 Juillet 2010