Thursday, February 25, 2010


La montée d'un islam fondamentaliste inquiète les autorités catalanes en Espagne

LE MONDE: La vieille ferme abandonnée à l'entrée de Valls, petite ville près de Tarragone, a-t-elle été le siège d'un "tribunal islamique" au printemps dernier ? Les six hommes mis sous les verrous en novembre 2009 pour avoir condamné à mort une jeune Marocaine accusée d'adultère en application de la charia, viennent d'être remis en liberté sous caution. La jeune femme, aujourd'hui retournée au Maroc, ne s'est pas présentée aux convocations du juge d'instruction. Et le récit qu'elle avait fait de son enlèvement, puis de son jugement "par douze hommes en turban", suscite de sérieux doutes.

Pourtant, les mossos (la police de la Generalitat de Catalogne) l'avaient prise au sérieux, enquêtant pendant des mois avant de lancer leur coup de filet dans les milieux musulmans ultraconservateurs, très implantés dans la région tarragonaise. "Peut-être qu'il ne s'est rien passé, mais le fait que cela ait pu paraître plausible témoigne d'une construction de la peur autour du salafisme", estime l'anthropologue José Moreiras, de l'université Rovira i Virgili de Tarragone.

La Catalogne s'inquiète de la montée du discours fondamentaliste au sein de la communauté musulmane, forte de 350 000 membres, dont 250 000 Marocains. Sur les 180 mosquées recensées, plus de cinquante seraient contrôlées par des associations liées au salafisme. "Cela ne nous fait pas peur, mais nous sommes en alerte car des personnes passent des messages de non-intégration et d'hostilité au pays d'accueil", admet Mohammed Chaib, député socialiste au Parlement catalan.

Ce musulman d'origine marocaine plaide pour une meilleure reconnaissance de la communauté musulmane qui doit encore, après trente ans de présence, se contenter de garages, de caves ou d'anciens bâtiments industriels comme lieux de culte. Aucune municipalité n'a accepté la construction d'une mosquée. "Il y a aussi une crise dans le modèle d'organisation de l'islam en Catalogne, ajoute José Moreiras. Ce vide d'organisation, de doctrine et d'autorité au sein de la communauté favorise le discours simple et structuré du salafisme." >>> Jean-Jacques Bozonnet, Envoyé special du Monde, Tarragone | Jeudi 25 Février 2010