LE TEMPS: Le «Guide» libyen fête ses 40 ans de pouvoir en grande forme: incontesté en interne et revigoré à l’international par la zizanie qu’il sème en Suisse et ailleurs.
Sur son site internet personnel, florilège de déclarations hardies, il a repeint toute la planète en vert. De la même nuance que celle du «Livre vert», l’évangile selon Kadhafi publié dans les années 70, qui jette en trois chapitres les bases de la «troisième théorie universelle» et annonce l’avènement de la «démocratie directe», sa vision très personnelle d’un socialisme arabe. Mardi prochain, le 1er septembre, «le Guide de la révolution» libyenne commémorera le quarantième anniversaire de son arrivée au pouvoir. C’était en 1969. Jeune officier de 27 ans, avec une poignée de coreligionnaires, il balayait le règne d’Idriss Ier et se propulsait colonel. Sans effusion de sang. La suite est une autre histoire… Celle notamment, dénoncée par Human Rights Watch, d’une éradication sans relâche de l’opposition, en recourant systématiquement à l’emprisonnement, au meurtre si besoin.
A 67 ans, le doyen des chefs d’Etat africains a noyé de longue date sa beauté d’antan dans les boursouflures de son visage. Mais il aborde sa 41e année de pouvoir en grande forme: en interne, sans le moindre compte à rendre à son peuple et ragaillardi, sur la scène étrangère, par la zizanie politique qu’il est parvenu à semer en France ou en Italie, et tout récemment en Grande-Bretagne et en Suisse.
Cyclothymique, extravagant dans le verbe comme dans l’habit, mégalomane. Insaisissable. Qui est vraiment le colonel Kadhafi? «Toute son existence a été dominée par une préoccupation, explique François Burgat, auteur d’un Que sais-je? sur la Libye. Celle de laver l’affront de la présence coloniale en terre arabe. Admirateur fervent du leader égyptien Nasser, il a repris à son compte la portée nationaliste du nassérisme. Et il a bien sûr toujours jugé illégitime l’Etat hébreu, dans lequel il voit une réminiscence des occupations coloniales.» «Son obsession perpétuelle a été d’abord la réunification du monde arabe, fragmenté par la colonisation. Il y a renoncé à la suite de ses échecs successifs (ndlr: toutes les formes d’épousailles qu’il a proposées à l’Egypte, la Syrie ou la Tunisie ont été rejetées) pour embrasser, dans les années 1990, le concept encore plus ambitieux de l’Union africaine (UA) qu’il souhaite quasi fédérale. Ses échecs ne l’ont jamais freiné», ajoute Jean-François Daguzan, de la Fondation pour la recherche stratégique. Ni rogné ses rêves de grandeur: élu en février dernier par ses pairs pour un an à la tête de l’organisation panafricaine, il s’était aussitôt autoproclamé «Roi des rois traditionnels d’Afrique». >>> Angélique Mounier-Kuhn | Jeudi 27 Août 2009