LE MONDE : Parallèlement aux 3 millions de réfugiés ukrainiens, des Russes quittent leur pays. Issus des classes moyennes et intellectuelles, ils constatent qu’ils ne peuvent plus travailler dans les conditions actuelles, relève, dans sa chronique, Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».
Chronique. En 1979, au plus fort de la guerre froide, Mikhaïl et Evguennia Brin ont réussi à quitter l’Union soviétique, avec leurs deux petits garçons, pour fuir l’antisémitisme institutionnel ; ils étaient parmi les derniers juifs à pouvoir partir avant la vague suivante de départs, à la fin des années 1980, sous Gorbatchev. Arrivé aux Etats-Unis, M. Brin a été embauché par l’université de Maryland comme professeur de mathématiques et sa femme a rejoint le département de la recherche de la NASA.
L’un de leurs fils, Sergueï, avait alors 6 ans. Devenu grand, il a été admis à l’université Stanford, où il a rencontré un certain Larry Page. A eux deux, en 1998, ils ont créé Google, moins de vingt ans après l’immigration de la famille Brin.
L’histoire est emblématique de l’une des vagues d’émigration qu’a connues la Russie au XXe siècle : intellectuels juifs et dissidents ont constitué un précieux réservoir de matière grise pour la science et la technologie américaines et, accessoirement, israéliennes. Après la chute de l’URSS, en décembre 1991, le flux s’est accéléré. Ayant enfin la possibilité de voyager librement et soucieux de fuir le chaos économique de la transition post-soviétique, les diplômés russes et leurs enfants sont partis par centaines de milliers. Pour toujours. « Les meilleurs cerveaux » » | Sylvie Kauffmann, éditorialiste | mercredi 16 mars 2022
Article réservé aux abonnés