Monday, June 28, 2010

Les insoumises d’Al-Jazira

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Jullinar Mousa, une Libanaise, fait partie des cinq présentatrices démissionnaires. «On avait l’impression de travailler pour une télévision des talibans», dit une de ses anciennes collègues. Photo : Le Temps

LE TEMPS: Cinq présentatrices de la chaîne qatarie ont démissionné, lassées d’être harcelées sur leur tenue vestimentaire. Un symbole de la dérive islamiste de la direction, que dénonce une partie de la rédaction

Le tournant date du 1er novembre 2009, jour anniversaire de la chaîne. Al-Jazira fête ses 13 ans en innovant, avec une opération new-look. Présentateurs et présentatrices ne sont plus des hommes et des femmes troncs, ils se déplacent face à la caméra. Et ce jour-là, ironise une présentatrice, la direction fait une découverte: lorsqu’on met une femme debout, elle a des jambes.

En treize ans, la chaîne d’information de langue arabe a pris beaucoup de coups: elle en a fait sa force. Il a fallu composer avec les attaques de Washington, ulcéré de voir Oussama ben Laden et les talibans à l’écran. Batailler contre les régimes du Maghreb et l’Egypte, furieux d’entendre la parole des intégristes à l’intérieur de leurs frontières. Se taire en serrant les dents lorsque les médias occidentaux se gaussaient en diabolisant la chaîne. Les charges venaient de l’extérieur, la tour de Babel résistait.

Ce 1er novembre, une nouvelle crise s’enclenche. Cette fois, elle touche au cœur de la famille et aboutira, huit mois plus tard, à la fin du mois de mai 2010, à la démission de cinq présentatrices (une sur trois). Cinq bonnes professionnelles, intelligentes et jolies, au visage connu à travers tout le monde arabe. Venues du Liban, de Syrie et de Tunisie, elles étaient fières d’exercer à Doha, la capitale du Qatar, pour la plus grande chaîne de télévision de langue arabe, celle qui contribuait à changer la société, celle qui a révolutionné le monde des médias du Maroc aux pays du Golfe en passant par le Proche-Orient avec son slogan: «Une opinion et son contraire.»

Quelques jours après le lancement de la formule new-look, les journalistes ont reçu un code vestimentaire. La direction leur fait savoir qu’il est «préférable» de ne pas porter des pantalons moulants. Les jupes doivent descendre au minimum 2 inches (5,1 cm) sous le genou. Le chemisier ne révélera que 2 inches de peau à partir de la base du cou. Avec une jupe, mieux vaut porter une veste longue… Curieusement, pas une ligne ne concerne les hommes. Page 2 >>> Marie-Pierre Subtil envoyée spéciale à Doha (Qatar) | Lundi 28 Juin 2010