LE TEMPS: Ancien «Monsieur éthique» de la police genevoise, Yves Patrick Delachaux a passé des semaines, immergé, au commissariat de Saint-Denis. Il livre un témoignage détonnant sur la tension entre jeunes et policiers dans les cités françaises
Le livre s’appellera Grave Panique. En souvenir d’une remarque entendue dans une voiture de la BAC, la Brigade anticriminalité, qui avait frôlé une vieille dame en roulant trop vite, une nuit de patrouille à Saint-Denis: «Je l’ai grave paniquée, la mémé…»
«Là, j’ai su que j’avais mon titre», raconte Yves Patrick Delachaux, ancien policier genevois devenu romancier et scénariste. Juste après les émeutes urbaines de l’automne 2005, alors qu’il était responsable de l’éthique et des Droits humains à la police genevoise, il a passé plusieurs semaines en observation dans un commissariat de Seine-Saint-Denis, le département le plus violent de France.
Son témoignage, qui a inspiré un roman * à paraître l’an prochain, en dit long sur l’état de tension qui règne entre jeunes et policiers dans les banlieues françaises. Et sur l’échec, désormais avoué à demi-mot, de la politique mise en place par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au Ministère de l’intérieur, en 2002.
Le 31 août, son bras droit et successeur à ce poste, Brice Hortefeux, a organisé une table ronde destinée à favoriser le «respect mutuel» entre policiers et jeunes des quartiers difficiles. Cette initiative fait suite à une nouvelle série d’émeutes, cet été, dues à la mort de deux jeunes lors d’interventions policières à Bagnolet, près de Paris, et à Firminy, près de Lyon. Avec, en toile de fond, des forces de l’ordre enfermées dans une paranoïa permanente, ignorantes du terrain où elles évoluent et totalement coupées des populations qu’elles sont censées protéger.
En arrivant à Saint-Denis, Yves Patrick Delachaux a vite compris que quelque chose clochait: «Le commissariat est un blockhaus carré, tout est barricadé, grillagé. C’est une armée d’occupation.»
A l’intérieur, des locaux «saccagés», avec «chiottes arrachées» et bureaux lépreux, antédiluviens. Dans la cuisine, minuscule, des frigos cadenassés, de vieilles affiches syndicales, des posters de films policiers. «Une ambiance de caserne, de labeur, de souffrance, raconte le policier suisse. On sent que ça leur pèse sur les épaules.» >>> Sylvain Besson | Lundi 07 Septembre 2009