LE TEMPS: A Saint-Pétersbourg, les meurtres racistes sont monnaie courante et la justice parfois indulgente
Ils préfèrent Hitler à Staline. Parce que le premier a assassiné moins de Russes que le second? Vous n’y êtes pas. «Hitler a fait du bon boulot chez lui!» clame Maxime, qui déplore toutefois que le chef nazi «ait attaqué la Russie». «Lui, il savait défendre son peuple, ce qu’il a fait est normal.» Agé de 22 ans, il parle posément et ne ressemble en rien à l’image d’Epinal du skinhead. Crânes rasés, rangers, bombers et jeans avec ourlet sont passés de mode. Et surtout, pas d’insignes. «Nous évitons de porter en public notre brassard [un swastika blanc sur fond rouge] afin de passer inaperçus», explique Ilia, 25 ans, leader de l’Union slave, organisation d’extrême droite russe dont certains membres ont commis des crimes racistes, selon la police de Saint-Pétersbourg. «Nous en avons marre d’être pistés et harcelés par les flics», explique Maxime, ex-skinhead sympathisant de l’Union slave depuis deux ans. Très bien organisées et entraînées, les jeunes recrues de l’Union slave cultivent une apparence tout à fait ordinaire.
Inquiétude constante
La tactique fonctionne. L’inquiétude est constante parmi les cibles principales: des ressortissants des ex-républiques soviétiques d’Ouzbékistan, du Tadjikistan, de Géorgie, d’Arménie et d’Azerbaïdjan. «Avant, on les reconnaissait de loin à leur apparence de skinheads, explique Moukhammadnazar Mirzoda, président d’une association d’amitié russo-tadjique. Aujourd’hui, ils ressemblent à n’importe qui. A des supporters du Zenit (club de foot local), à des rockers… il y a même des gamins parmi eux. N’importe quel groupe de jeunes est potentiellement dangereux. La peur monte.»
«Les attaques sont minutieusement organisées, comme pour une opération militaire», ajoute Dmitri Doubrovski, un collègue de l’universitaire, sociologue à l’Université Smolni de Saint-Pétersbourg, spécialisé dans l’étude de la xénophobie. «Habituellement, les attaquants forment plusieurs groupes, l’un chargé de la surveillance, l’autre de repousser d’éventuelles réactions des passagers, le troisième enfin qui se charge de la victime.» >>> Emmanuel Grynszpan, Moscou | Lundi 07 Septembre 2009