LE FIGARO – Blog: Dans notre métier, il y a parfois des nouvelles plus difficiles que d'autres à annoncer. Surtout quand il s'agit de personnes en difficulté, que nous connaissons bien. Mercredi soir, je tombe sur cette dépêche d'actualité qui me fait tomber des nues : « Roxana Saberi, la journaliste irano-américaine arrêtée en Iran a officiellement été inculpée d'espionnage ».
En Iran, ce genre d'accusation coûte cher. Selon le code pénal iranien, l'espionnage est un crime passible de la peine de mort. Pour l'heure, l'audience de Roxana Saberi, arrêtée il y a presque deux mois, n'a pas encore eu lieu. D'après son avocat, Abdolsamad Khoramshahi, qui n'a pas encore reçu l'acte du tribunal révolutionnaire, une date pourrait être fixée la semaine prochaine.
Mais on peut déjà imaginer qu'au terme de son procès, sa condamnation se transforme en de longs mois, voir années, de prison. En 2005, le skippeur français Stéphane Lherbier avait écopé de 15 mois de prison pour une accusation beaucoup moins lourde - celle d'être entré illégalement dans les eaux territoriales iraniennes...
Roxana s'est installée à Téhéran en 2003. La première fois que je l'ai croisé, c'était au mois de juillet de cette même année. La caméra collée à l'œil, elle était venue filmer les étudiants qui manifestaient dans la capitale iranienne. Née aux Etats-Unis, de mère japonaise et de père iranien, elle avait décidé de remonter le fil de ses origines et de s'installer à Téhéran, pour y travailler comme correspondante pour l'agence de presse vidéo américaine, Feature Story News. Je la comprends. Quatre ans plus tôt, c'est la même motivation qui m'avait poussé à poser, moi aussi, mes valises en Iran.
Dans le milieu très restreint des journalistes étrangers basés à Téhéran, on se croisait souvent. Roxana était de nature assez réservée, et l'humilité faisait partie de ses qualités. Elue Miss Dakota, aux Etats-Unis, alors qu'elle était étudiante, elle ne s'en ventait jamais. C'était une bosseuse, qui ne comptait pas ses heures de travail. Elle avait envie de réussir professionnellement, un point c'est tout. Et elle s'en donnait les moyens. Très sportive, elle ne manquait jamais ses rendez-vous au club de sport féminin de son quartier. Un jour, elle m'y avait emmené. J'avais été soufflée en la voyant courir pendant une heure sur le tapis roulant. De toute évidence, le sport était son défouloir, dans un pays où le travail de journaliste ressemble, bien souvent, à celui d'un funambule qui s'efforce de ne pas tomber du fil. >>> Par Delphine Minoui | Samedi 11 Avril 2009